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[Avignon 2019] "Les Monologues d'un code-barres" de et par Jérôme Pinel

Dernière mise à jour : 3 mai 2020

Jérôme Pinel est devenu Champion du Monde de Slam en Juin dernier après avoir "affronté" des poètes du monde entier lors du Grand Slam National à Paris. Il fait son 1er Avignon Off au coeur de la ville avec "Les Monologues d'un code-barres" dans un théâtre qui propose une très belle programmation: le Théâtre des Lila's. Le spectacle est, qui plus est, produit par un des lieux les plus intéressants pour la poésie et la chanson en France, le Bijou de Toulouse... Parole à Jérôme Pinel qui nous raconte son parcours entre rap, journalisme, chanson et poésie.


Bon voyage et bon Festival à tous!



Bonjour Jérôme et bravo pour tout ! Tu as fait beaucoup de choses autour de l'écriture et des mots. Tu es passé par l'écriture de spectacles, l'écriture pour les autres... Et tu es aussi passé par le journalisme.


Bonjour Philippe... Merci! Oui, j'ai été correspondant de presse, ce qui est quand même le cran en dessous de journaliste, ce n'est pas le statut. Quand j'ai fini mes études en 2005, j'avais envie d'écrire, j'ai vu une annonce... et j'ai été correspondant pendant plus de 5 ans. Je traitais tous les sujets: politique, sport, culture, pétanque, pollution de rivière. J'ai beaucoup aimé.


Qu'est-ce qui te plaisait là-dedans ?


La variété de personnes, de sujets, d'histoires que l'on peut rencontrer. J'aimais bien changer de “monde” entre guillemet, de sujet. Et puis, surtout, ça m'a fait comprendre qu'il y a plein de choses intéressantes autour de soi dont on ne s'en aperçoit pas. Plein de gens qui méritent du temps ou un texte...


Tu décidais des sujets ou ils s'imposaient à toi ?


Les deux. Je travaillais sur une communauté de communes. Il n'y avait plus vraiment de journaliste sur le secteur mais quand même pas mal de pages à remplir. On avait pas mal de liberté. Je suis arrivé un peu comme le sauveur pour mon chef qui croulait sous les demandes. Ce dernier n'était pas vraiment mon chef mais l'est devenu de facto tant il m'a tout expliqué de ce travail. Parfois, je choisissais les sujets, parfois, les articles venaient à nous, entre les marronniers comme on les appelle et l'actualité brûlante. On pouvait aller sur des sujets un peu plus profonds si on avait l'envie et le temps.


Ton attrait pour les mots te vient de où, de quoi ?


J'aime ça. Depuis tout petit. J'ai plein de souvenirs par rapport aux mots. Apprendre à lire, écrire, a été plus fondateur dans ma vie que les maths. Je n'ai rien contre les maths. J'apprécie même de plus en plus. Mais mes souvenirs d'école sont marqués par les livres ou les textes en général. Puis, j'ai fait du rap avec des potes quand j'avais 15 ans parce qu’on avait envie de faire comme la musique que l'on écoutait . On s'est mis à écrire. J'avais déjà essayé avant. Je lisais beaucoup de livres, vraiment. On s'amusait à balancer des free styles dans la rue le soir. Un jour, on s'est dit : on monte un groupe. Un pote avait des platines. On était 3 chanteurs. On répétait dans le garage de l'un ou de l'autre. C'est marrant parce qu'on était trois chanteurs. Aujourd'hui, je fais du slam poésie et de la chanson, mais un autre joue dans des groupes de hip hop et de fusion et le troisième qui ne rappait qu'en anglais, est dans un groupe punk hardcore. Il tourne dans pas mal de lieux, dans toute l'Europe, c'est rigolo. Parfois, je me dit qu'on refera un truc comme à l'époque. Mais, on n'a pas le temps a priori. Ce premier noyau s'est séparé vers la vingtaine, mais on a continué à deux avec mon pote beatboxer, beatmaker et rappeur, LMN MC, sous un autre nom jusqu'en 2010. On a sorti trois EPs.


A quel moment t'es-tu mis à slamer et pourquoi ?


Jusqu'en 2005/2006, je faisais beaucoup de sport de glisse, du texte à côté et je me suis gravement blessé. Du coup, j’ai fait un peu plus de textes. Et on avait une salle de musiques actuelles avec un directeur qui est tombé en adoration pour le slam poésie. Pour lui, il y avait vraiment quelque chose à défendre. C'était selon ses mots une sorte "de révolution folk". Il a beaucoup œuvré dans la région pour que le slam de poésie se développe. Il essayait de convaincre les festivals et les salles de l'intérêt du concept de slam, des scènes ouvertes à tout le monde. Il proposait beaucoup dans sa salle avec des gens comme Eric Cartier ou Fred Nevchehirlian de Vibrions, mais aussi Spoke Orkestra... des groupes de spoken word issu des scènes slam. Il y a eu un atelier d'écriture avec D' de Kabal On est allés le faire.. Et une scène ouverte de slam poésie à la sortie. On a participé pour le verre gratuit, pour le jeu… C'était mon premier texte a capella.


C'était où ?


A Castres. La salle s'appelle le Bolegason. C'était bonne ambiance. C’était régulier, ça me permettait d'écrire des nouveaux textes et de les présenter. Ca nous faisait écrire. J'ai par la suite fait un peu de théâtre en rencontrant des gens d'une compagnie qui cherchaient à amener un autre style de poésie dans leur spectacle. Ils étaient venus voir et du coup, on a bossé ensemble sur des projets. Ensuite, j'ai lancé le projet “Strange Enquête”, toujours en animant et en participant à des scènes ouvertes de slam poésie à côté. Parce que ça stimule l'écriture, que c'est un super laboratoire pour des nouveaux textes. Avec le temps, c'est aussi devenu un rendez-vous de copains.


De fil en aiguille, tu as donc participé au GSN en 2018, vous avez gagné en équipe et tu as gagné aussi en individuel...


Oui. Avant, en 2011 et 2013, j'avais participé aux finales de la Coupe de la Ligue. Avec un collègue on était allés jusqu'à Mende en Lozère. On s'était qualifiés dans un bar improbable, c'était rigolo. Deux ans plus tard, je m'étais qualifié avec un autre pote à Montauban. Après, j'ai un peu arrêté de me déplacer, j'animais des scènes ouvertes autour de chez moi. Pour le GSN en 2018, j'étais en région parisienne chez un gars avec qui j'écris des chansons parfois. On cherchait un truc à faire le soir. On en avait un peu marre de travailler. Je lui ai proposé de faire un tour sur un tournoi de slam poésie. Je me suis qualifié dans cette équipe parisienne mené par l'asso du Sporting club de poésie un peu par hasard. On a même hésité avec une autre scène le même soir. Dans l'équipe du SCP, on ne se connaissait pas avant le GSN. On y est allés ensemble du début à la fin. On s'est soutenu. On a gagné par équipe. J'ai eu le premier prix en individuel et je suis revenu l'année d'après représenter la France au mondial de slam... J'ai fini premier de cette finale incroyable. Comme quoi sur un malentendu ça peut marcher.


Mais le slam fonctionne beaucoup d'une manière complètement improbable, c'est ce qui est chouette entre parenthèses d'ailleurs...


Oui, je suis assez d'accord. Je dois beaucoup de rencontres au slam ou à l'idée du slam poésie. Je dois des potes... Je me suis mis au théâtre parce que des gens étaient venus dans cette scène ouverte chercher des gens et j'ai fait 3 saisons dans un superbe lieu, le Cirque de Gavarnie dans les Pyrénées où ils montaient un spectacle chaque année. A la chanson car j'avais des textes sans musique. J'ai beaucoup appris. J'ai fait plein de supers rencontres grâce au slam poésie.


Ca me fait penser à l'histoire du correspondant de presse... Les rencontres, tu les choisis ou pas peu importe, l'essentiel c'est d'échanger. Et au final il y a un texte!


Pour faire les textes, il y a un peu de cette idée. Il y a ce dont tu as envie de parler et sur lequel tu cherches un angles et puis le sujet qui te tombe dessus. C'est un peu entre les deux. Il s'agit à mon goût, d'être attentif et de tenter l'aventure. N'est ce pas l'idée du slam poésie ? Se jeter à l'eau pour un texte personnel a capella sans attendre ni du public ni d'aucune instance le droit de monter sur scène pour dire , sans autre légitimité que l'envie ... Après, l'aventure. C'est avoir envie de se risquer encore à la nouveauté. Tu te jettes un peu à l'eau à chaque fois.


Avignon, tu te jettes à l'eau ?



Complètement. Je prépare mon maillot ! “Les monologues d'un code-barres”, c'est une performance de textes que j'avais faite pour un festival de poésie. Je fais beaucoup de chansons ou de ce qu'on appellerait du “spoken word”. Il y a un lieu "Le Café Plum" où j'avais pas mal joué qui montait un festival de poésie. Je leur ai proposé de faire une performance avec que du texte, en extérieur, sans micro, sans sono. J’avais choisi des textes qui tournaient autour de gens avec un petit grain. A la base, je ne devais le faire qu'une seule fois. Mais on me l'a demandé dans d'autres lieux. Finalement, Emma et Pascal de l'asso des Zazous du Bijou de Toulouse m'ont proposé de l'emmener à Avignon. Un honneur. Un défi. Une première aussi pour moi que de jouer cette performance trois semaines d'affilée


Sacré pari ! Du coup ça veut dire que tu en veux faire quelque chose après?


Oui. Ce spectacle-là, je l'ai créé avec un copain issu du théâtre. Il est monté comme un set de chansons. Les textes -qu'on pourrait entendre sur une scène slam- s'enchaînent autour de ce thème de la folie, de ces gens qui vont un peu trop loin à cause d'un raisonnement personnel, de leur passé ou de leur environnement. Je peux en enlever, comme je peux en rajouter. C'est un spectacle que j'ai pu faire évoluer dans le temps. J'aimerais bien faire un livre avec un disque ou un EP assez proche de ce qu'on pourrait appeler le “feuilleton radiophonique”. J'aime bien explorer les formats du texte sonore. Avant de revenir à d'autres trucs plus musicaux en 2020, mais dans l'immédiat, l'idée va être là sur Les Monologues, en plus de le jouer au maximum


Le set fait combien de temps ?


55mn. On peut tirer jusqu'à 1h10 et le raccourcir à 30mn. Potentiellement, il est très simple. Pour Avignon, comme on joue dans une boite noire, j'ai ajouté un peu de technique parce qu'on va y être confronté. Mais c'est monté pour être joué dans des lieux qui ne sont pas forcément équipés, comme des bars, des galeries d'expos... C'est là encore le mieux: sur une table. Je ne voulais pas avoir de contrainte. C'est vraiment un spectacle de texte qui ne nécessité pas de technique et donc hyper accessible à toutes les structures.


D'ailleurs sur le dossier tu lances un appel à idées pour le jouer n'importe où.


Complètement. Je n'ai besoin que d'une table. Je viens avec le sac. Dans la simplicité, c'est vraiment là que je le préfère, j'arrive dans un lieu, certains sont au courant, d'autres pas. Le lieu ne s'y prête pas, donc on rentre dans le spectacle de manière un peu subite. Il y a plein de lieux un peu fous à faire, des anciennes usines, des toits, des endroits un peu bizarres dont je n'ai pas idée....

Il arrive par effraction ? Il s'écoute par effraction ? Quelle est la volonté de cette manière de faire ?


Elle est de casser la frontière spectateur/ acteur. Le spectacle s'incruste dans le quotidien. Du coup je me retrouve avec ce qui se passe dans l'instant. Je joue dans un bar restau, le cuisinier passe parce qu'il est en train de faire la cuisine … Il y a des choses que je ne maîtrise pas, c'est intéressant. Parfois, les gens sont assis et ça marche très bien aussi.


Ca te pousse toi à être à l'écoute de ce qui se passe autour et à réagir - ou pas.

Oui. Du coup je suis dans une écoute permanente. L idée c'est de faire comprendre et sentir que ce spectacle là sort du même monde que celui spectateur. Ce sont des textes un peu barrés, mais qui partent toujours de faits réels. Des raisonnements qui sont poussés un peu loin. De l'ouvrier qui pousse son calcul de production, au consommateur qui s'interroge sur les impacts à l'autre bout du monde de son achat au primeur.

Et donc super signature du Bijou parce qu'ils choisissent très bien tout ce qu'ils soutiennent donc bravo !


Oui. Merci à eux... Ils me soutiennent depuis le début.


Propos recueillis par #PG9



#OFF19 Du 5 au 24 Juillet, 13h: "Les Monologues d'un code-barres" de et par Jérôme Pinel, Théâtre des Lila's, 8 rue Londe - Avignon https://www.avignonleoff.com/programme/2019/les-monologues-d-un-code-barres-s25597/


Bon festival à toutes et à tous...



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