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#OFF19 Philippe Soltermann: "J'arriverai par l'ascenseur de 22h43 - Chronique d'un fan de Thiéfaine"

Dernière mise à jour : 3 mai 2020

Nous avons eu il y a un an un échange magnifique avec Françoise Salvan-Renucci, chercheuse, fan du chanteur Hubert-Félix Thiéfaine. Elle avait expliqué comment sa passion pour "HFT" l'avait conduite à y consacrer son travail et des conférences (la prochaine aura lieu le 23/07 à Patrimonio - Corse). Au cours de cet entretien - à relire ici -, nous avons parlé de la démarche d'un autre fan, Philippe Soltermann, auteur - metteur en scène - comédien. Il venait de créer: "J'arriverai par l'ascenseur de 22h43 - Chronique d'un fan de Thiéfaine". Ce spectacle, un monologue, a continué son chemin et se retrouve cette année au Off d'Avignon. Vous devinez la suite! Bonne lecture


Philippe Soltermann. Photo: Marino Trota (c)


Enchanté Philippe."Chronique d'un fan de Hubert Félix Thiéfaine", comme son nom l'indique, est l'histoire d'un admirateur...


Bonjour Philippe. A 12 ans, j'ai découvert les textes sublimes, multi-référencés de Hubert Félix Thiéfaine. Il y a chez lui une érudition passionnante. C'est un féru d'histoire, de philosophie, de littérature, de poésie. A force de l'entendre parler de Rimbaud, Verlaine et tout ça, je me suis mis à lire les textes auxquels il faisait référence. Ce spectacle est une ardoise, une dette que je règle. C'est expliquer comment, grâce à lui, je me suis ouvert à d'autres choses. Il a été mon meilleur prof de français au bout du compte. Etre fan, peu importe de qui, ça n'est pas rien. C'est ce processus que le spectacle raconte. Cette particularité de grandir avec une œuvre, avec un chanteur dans mon cas, sans jamais le rencontrer, en l'espérant toujours et en se disant, à un certain moment: lui me comprend.


Il fait partie de votre quotidien depuis l'âge de 12 ans...


Exactement. Je suis comme un fou à chaque nouvel album, à chaque nouvelle tournée. Je vais le voir assez régulièrement en concert. C'est une sorte de balise, une valeur repère. Mais, surtout, je l'écoute beaucoup.


Tout part donc de son œuvre elle-même?

Philippe Soltermann. Photo: Marino Trota (c)

Le parti pris du spectacle est de parler de ses textes, de partir de sa spécificité dans le paysage de la chanson française. Il n'a pas son pareil à mon avis: quelqu'un qui a autant de poésie et une écriture singulière, sublime.


Puisque vous parlez du texte, le meilleur moyen de lui rendre hommage, c'était le théâtre!


C'est mon médium. Je viens du théâtre. Je n'avais que ça en magasin, je n'allais pas reprendre des chansons...


La manière dont il vous a nourri vous a aussi nourri pour le théâtre, indépendamment de ce spectacle-là?


Oui, il m'a beaucoup inspiré notamment pour tout ce qui est philosophie. Il fait beaucoup référence à Schopenhauer notamment. C'est sûr qu'il m'a amené vers des lectures. Je pense aussi que mon écriture est influencée plus par la poésie que par le théâtre lui-même, même si dans le théâtre il y a forcément de la poésie. C'est finalement plus la chanson française au sens large que je retiens, qui m'aide pour l'écriture. Pour la chanson ou le théâtre, on a une manière particulière d'écrire au départ : on le fait pour dire, pour parler. On n'écrit pas uniquement pour être lu. Ma priorité, quand j'écris un texte, c'est donc l'oralité. Comment on l'entend, comment on le perçoit quand il est mis en bouche.


Qu'est-ce qui vous a fait choisir le théâtre à la base - je ne parle pas du spectacle mais de votre parcours d'artiste-?


J'ai un parcours assez spécifique : j'ai commencé le théâtre à 25 ans. J'ai cherché plein de choses professionnellement qui ne m'ont pas du tout plus, du coup, j'ai commencé parce qu'on me disait qu'à force de faire le clown dans un bar, je devrais me mettre au théâtre ! C'est vraiment comme ça que c'est arrivé. Mais la musique, l'énergie, la puissance scénique que peut avoir un groupe de rock, c'est plus ça qui m'inspire que le théâtre à proprement parler même si j'aime beaucoup. Le côté vieux texte déclamé par des comédiens qui ar-ti-culent, ça m'ennuie un peu en fait. Je préfère aller à un concert.


Vous vous êtes donc mis à prendre des cours de théâtre et à monter sur scène à 25 ans ?


C'est ça. Après, j'ai fait une école à Bruxelles, LASSAAD... Je n'avais pas beaucoup d'expérience avant, je me suis dit allons-y. C'est une école où les 3 premiers mois sont sélectifs, donc j'avais le temps de voir. Et j'ai trouvé ce que j'adorais faire. C'était une première bonne nouvelle.


Quand on fait une école de théâtre, on a toujours des auteurs fétiches auxquels on se réfère. Vous, votre auteur c'est...? (je me doute de la réponse!)


Mon auteur, c'est Thiéfaine, définitivement. Après j'aime beaucoup Ferré. Dans le théâtre classique, je suis passionné par la tragédie grecque, j'aime beaucoup le rapport particulier au destin que peuvent avoir ces personnages-là. J'aime bien cette formule: "ça a été écrit hier pour nous parler de demain". Je trouve ça passionnant. Sinon, je préfère quand même l'écriture contemporaine. On est trop souvent dans une logique "poussiéreuse" autrement et il faut faire beaucoup d'efforts pour que ça parle d'aujourd'hui. J'aime bien entendre la langue. Thiéfaine peut parler en latin, en anglais mais en temps il peut aussi utiliser de l'argot. Le mélange de langues qu'on peut avoir dans l'écriture contemporaine me plaît beaucoup. C'est très théâtral et je ne m'en prive pas.



Quel a été votre premier spectacle "important"?


C'était déjà un monologue. Ca s'appelait "Je m'adapte". L'histoire d'un immigré suisse qui arrive à Paris et qui ne comprend pas tellement comment fonctionne la France. Après, j'ai fait beaucoup de spectacles, que j'ai écrits et mis en scène la plupart du temps. Mais, j'adore particulièrement les monologues pour leur dimension spéciale du rapport au public. C'est un peu comme un conteur. Il y a une autre écoute, quelque chose de différent avec les spectateurs. On est moins dans ce truc "artificiel" du théâtre, le 4ème mur. Il y a une proximité, une intimité, qu'on arrive à choper, c'est quelque chose qui me fascine.


Vous l'avez particulièrement avec les fans de Thiéfaine qui viennent voir ce spectacle-là j'imagine ?


Il y a quelques fans, mais beaucoup de gens viennent pour le théâtre. Il n'y a pas besoin d'être fan de Thiéfaine. C'est surtout le rapport qu'on a, nous, quand on est fan de quelque chose ou de quelqu'un. C'est plus général. Hier, par exemple, des gens m'ont dit: "on adore Bashung, on s'est complètement retrouvés dans cette posture un peu sacrée qu'on peut avoir avec des textes qu'on a écoutés, réécoutés". Il y a même une personne qui est venue et qui m'a dit : "j'adore la littérature et tel auteur, j'ai l'impression que ça me raconte la même chose. C'est quelqu'un qui m'a compris, que je ne connais pas, mais dont j'ai l'impression qu'il sait qui je suis". Ce qui est génial d'une manière générale dans l'art, c'est que, tout d'un coup, on parle à une personne et qu'on a l'impression qu'on se comprend mutuellement.


Mais justement dans ce rapport spécifique du monologue au public, on va dire qu'on retrouve l'histoire du fan, non?...

Totalement oui. C'est un truc très personnel. On a une "pathologie" commune, mais chacun avec son histoire spécifique. Ca peut être tel concert, tel texte... Un détail. Et puis on se retrouve tous au final, mais c'est toujours très personnel, particulier, et c'est ce que je trouve intéressant.



Le fait déclencheur est personnel. Il est profondément de l'ordre du privé...


Oui, tout à fait. Même si après, on aborde des problèmes universels. Les chansons d'amour, c'est quelque chose d'universel. Le spectacle parle de ça. Le fait qu'on se retrouve dans des textes, c'est la dimension irrationnelle. Le personnage que je joue sur scène est assez exalté. Ma fanitude est assez sereine quand même. D'autres fans sont plus exaltés, même si en concert on l'est tous un peu. Il y a des fans qui viennent avec le tee shirt de Thiéfaine et qui sont certains que je suis comme eux. Le personnage que je joue sur scène l'est. Certains ne font pas trop la différence.


Est-ce que Thiéfaine l'a vu ?


Evidemment, tout s'est fait en demandant des autorisations, il est au courant, mais je ne pense pas qu'il va venir. Ils m'ont laissé le faire, m'ont laissé les droits. Ils ont été très chouettes. Son entourage proche est venu, ils étaient assez émus.


Je crois qu'il n'aime pas trop se plonger dans sa propre œuvre... Françoise Salvan-Renucci m'expliquait qu'il a eu le même rapport avec elle qu'il avec vous: bienveillant, mais à l'écart.


Il est assez pudique je pense. Et puis, il a d'autres choses à faire aussi ! Je comprends qu'il ne peut pas être disponible pour tout le monde.


Comment se passe Avignon ?


Il fait extrêmement chaud, mais ça va. Le début du festival est calme, mais le bouche à oreille fonctionne, ça commence à bien remplir. Ce qui est chouette, c'est que les spectateurs restent après. Il y a des gens très émus, d'autres qui ne connaissaient pas donc qui disent je vais vite aller acheter un album... Ca se passe bien.


Quels sont vos projets après ?

Philippe Soltermann. Photo: Mehdi Benkler (c)

En février 2020, je monte "Oedipe Roi" dans une version d'André Bonnard avec Sandor une chanteuse lausanoise qui fait de l'électro pop, qui va s'occuper du coeur de la tragédie, et toute une ribambelle de comédiens suisses. Mais j'ai surtout ce spectacle qui part en tournée en Octobre-Novembre-Décembre. On joue un peu en Suisse et à Paris au théâtre des Déchargeurs tout le mois d'octobre.


Le spectacle a été créé quand ?


On l'a créé en janvier 2018. Il tourne plutôt bien. On a plusieurs formes, on peut jouer dans des petites salles comme dans des grandes. A Lausanne, on a joué aux Docks, une salle de concert qui ne fait pas du tout de théâtre. On reprend cette formule-là à Neuchatel en Suisse. Dans ces salles, ce qui est bien, c'est que c'est plus grand et que les spectateurs ne viennent pas du théâtre mais de la musique. Leur regard est intéressant.


Bravo. Un mot de conclusion...


Je suis hyper heureux de jouer ce spectacle-là. Je suis bien à Avignon. Le plaisir de jouer chaque jour me ravit et me met en joie pour quelques mois, je suis très content.


Vous prenez plein d'énergie!


Voilà. Dans le processus de création, il y a le moment où on répète, où on se pose plein de questions et puis après il y a celui où un spectacle rencontre son public. Là, je suis à l'aise, parce qu'on joue depuis un moment et je prends un pied énorme. J'irai pas jusqu'à dire que je suis heureux, mais je suis vraiment très content. Il faut se méfier du bonheur...


Propos recueillis par #PG9


Pour des informations sur les représentations à Avignon (13h au Théâtre Arto), c'est ici


Et sinon: Philippe Soltermann (Productions de la Misère)



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