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[Plonger dans l'âme de...] L'Atalante. Tome 2: Pierre Michaut. Celui qui fabrique ses rêves

Dernière mise à jour : 3 mai 2020

L'échange que nous avons eu la semaine dernière avec Mireille Rivalland, directrice des Editions l'Atalante, avait donné le ton d'une passion et d'une curiosité qui dépassent largement le cadre des livres et des mots.


Dans la foulée de ce premier entretien, il paraissait indispensable de parler aussi avec celui par qui tout est arrivé: Pierre Michaut. Le fondateur de la (petite) librairie devenue (grande) maison d'édition a raconté son parcours en toute simplicité et avec beaucoup de franchise. Vous aimez la vie? Vous allez adorer. Bonne lecture

Pierre Michaut. Photo: Philippe Racinoux (C)

Enchanté Pierre. Suite à notre rencontre à la fête des 30 ans (ou des 40 ans) de l’Atalante... Que représentait cette fête pour vous ?

Un pur plaisir. À présent que j’ai pris ma retraite et que j’ai quitté Nantes, c’était l’occasion de retrouver des gens pour qui j’ai de l’affection et que je n’avais pas vus depuis longtemps. Les invitations de L’Atalante brassaient large, elles allaient des auteurs et traducteurs venus pour les Utopiales aux clients fidèles de la librairie. J’ai revu des gens que je n’avais pas rencontrés depuis dix, quinze voire vingt ans.

Vous connaissiez les clients de la librairie?


Les très anciens, oui. Je ne me suis directement occupé de la librairie que jusqu’à l’été 1988, après quoi j’ai consacré presque tout mon temps à l’activité d’édition.

La question centrale sur laquelle va s’articuler tout ce qu’on va se dire est la suivante : qu’est-ce que le livre a de si particulier pour vous pour que vous décidiez d’y consacrer votre vie ?


Mon histoire personnelle avec ce métier n’a rien d’exemplaire. Il y entre une bonne part de hasard. Ce n’est pas parce que la lecture tient un rôle important dans votre vie que vous devenez libraire. La curiosité, un désir de changer d’activité, une opportunité. J’ai ouvert la librairie L’Atalante en 1979, dans un tout petit local de quinze mètres carrés, sans rien connaître du métier. Ni formation ni même stage. J’avais la trentaine, avec pour moteur l’envie de découvrir, la curiosité. On pourrait appeler ça un coup de tête. "Pour voir".


La curiosité serait un de vos traits de caractères dominants ?


À l’époque, c’est certain. J’avais déjà un parcours un tantinet chaotique, de l’enseignement à l’usine. Quant à la librairie, ce que j’en savais, et qui me paraissait cohérent, c’est que ça consistait à vendre des livres plus cher qu’on ne les avait achetés. Mes connaissances dans le domaine s’arrêtaient là.


C’est le principe du commerce en général.

Oui. Et c’est tout ce que j’en savais. Je me souviens que pour préparer l’ouverture de L’Atalante j’avais fait un courrier à une soixantaine d’éditeurs, d’abord pour recevoir leur catalogue puis pour leur passer des commandes. J’ignorais même qu’il existait des diffuseurs et des distributeurs. De découverte en découverte, je vous dis.


Ce courrier envoyé aux éditeurs, ils vous ont répondu ?


Oui, oui. Pour m’adresser à leur diffuseur. C’était logique.


Vous avez découvert les choses, vous disiez: "le principe d’une librairie, c’est d’acheter un livre et de le vendre un peu plus cher". Du coup, vous vous estimiez capable de créer une plus value... Laquelle?


Ça consiste à mettre les livres à la disposition du public.


Tout simplement...


Mais pas si simplement. C’est un ensemble de fonctions qui repose sur des pratiques qu’il a bien fallu acquérir. Savoir choisir son fonds et le renouveler, apprendre un minimum de comptabilité (bizarrement – ou pas –, j’ai toujours gardé une affection particulière pour la comptabilité), etc. Comprendre la chaîne du livre, faite de tous ceux qui œuvrent pour la lecture, de la maison d’édition à la bibliothèque. Que des métiers utiles…


Cette utilité, vous en avez pris conscience au fur et à mesure, ou l’aviez-vous instinctivement?


Instinctif, culturel et acquis par l’apprentissage du métier. Les relations avec les clients et le conseil, c’était naturel. Je découvrais un monde nouveau et c’était passionnant. L’invitation d’auteurs et les signatures, passionnant. La vitrine, tenez. Je m’amusais à composer des vitrines inattendues. Je me souviens d’avoir lancé une "quinzaine du noir" (une opération sur le roman policier) un début janvier, au moment traditionnel de la "quinzaine du blanc" dans les grands magasins. Ensuite, assez vite, est venue l’envie de faire naître des livres. D’où le passage à l’édition. Le premier livre publié, c’était fin 1981, deux ans après l’ouverture de la librairie.


Vous avez voulu aller plus loin ou plus au fond.


Autre chose dans le même domaine, c’est ça.


Cette envie, c’est pour le plaisir de voir des mots et de les lire ou c’est pour le plaisir ou par conscience de l’utilité du livre dans la société ?


Vous parlez de la librairie ou de l’édition ?


De l’édition.


Alors, c’est peut-être inhabituel. J’avais envie de les fabriquer, ces livres. J’avais envie d’être typographe, compositeur, maquettiste, imprimeur. Je venais de l’usine et ça me manquait de ne plus rien fabriquer.


D’où l’importance que vous avez attachée à "l’objet livre"?


Exactement. Oui.


Parce qu’une des clés de la réussite de l’Atalante et donc de tout ce que vous avez voulu créer, c’est notamment le soin que vous apportez à l’objet livre.

Ça a été une préoccupation essentielle aussitôt. Les tout premiers livres, je n’avais pas d’intervention sur la fabrication elle-même. Mais, quand, avec le déménagement dans le local actuel de la librairie et l’arrivée d’un deuxième libraire, j’ai pu me consacrer à l’édition, la décision est venue de les composer et de les maquetter en interne. L’imprimeur disait de faire comme ci, de faire comme ça. J’écoutais. Pour faire un livre proprement, j’ai mis du temps, ça oui.


Vous avez cherché à maîtriser toute la chaîne de fabrication du livre ?


La comprendre, j’ai fait le plus vite possible. La maîtriser, c’est une autre paire de manches. La typographie, l’impression, la couleur… J’ai mis du temps. L’idée était de mettre à contribution les instruments informatiques nouveaux. Notre premier Mac était une de ces petites boîtes à l’écran minuscule et qui coûtait un prix fou. Inutile d’ajouter que les premiers livres étaient assez mal composés.


Vous étiez à l’affût de l’évolution du monde pour servir la fabrication d’un livre. En vous disant: "tiens, ça ça va être bien pour ça".


Oui. Les expériences se sont succédé. À l’époque, l’imprimeur passait par la préparation de films qui servaient à insoler les plaques d’aluminium montées sur l’offset. J’envoyais du texte imprimé agrandi pour qu’il gagne en définition à la réduction. J’ai même, à un moment, imprimé les pages de texte sur des feuilles de rhodoïd pour économiser sur les films. La qualité était très moyenne, ça va sans dire.


Tous ces livres, les premiers livres, vous les avez gardés avec vous ?


Oui, bien sûr. Pour la plupart, ce sont des livres qui ont été réimprimés par la suite et retravaillés à cette occasion, parce qu’on ne pouvait pas en rester là. Ils sont repartis chez l’imprimeur sous forme de fichiers pdf de qualité professionnelle.


Quelle est l’étape qui vous plaît le plus dans le processus de fabrication d’un livre ?


Il y en a deux parce qu’il y a l’étape du texte et celle de l’objet. Dans ma manière de fonctionner, ça reste de la matière dans les deux cas. Ça se pétrit, ça se travaille comme de la matière. Pour assister l’auteur ou le traducteur, avec des suggestions par exemple, j’ai l’impression de mettre les mains dedans. Pareil pour donner son visage au livre. Texte et livre ne font plus qu’un.


C’est ce que vous disiez par rapport au fait de fabriquer des choses concrètes, des objets.


Oui.


Dans le rapport avec l’auteur, qu’est-ce qui s’établit comme type de relation qui vous fait particulièrement plaisir ?

Pierre Bordage (C)

Eh oui, je m’aperçois qu’on n’a pas beaucoup causé de littérature jusqu’ici, et je n’ai pas non plus présenté le goût de la littérature comme moteur de cette entreprise d’édition. J’ai peut-être forcé le trait. L’auteur, c’est le bonheur suprême. Après lecture du manuscrit, quand on lui a dit : nous avons envie de publier votre texte. À partir de là, ce n’est que du plaisir. Du travail et du plaisir. Je n’ai que de bons souvenirs de relations avec les auteurs parce que chacun sait qu’il fait du mieux possible pour l’autre. Remarques, suggestions, propositions, de la structure du livre au détail de la phrase, l’auteur sait qu’on intervient toujours, à tort ou à raison, dans l’intérêt de la qualité de son texte, celui qui sortira frappé de son nom. Nécessairement, les rapports sont cordiaux. On ne devient pas ami avec tous les auteurs qu’on publie, mais on a de bonne relations avec tous.


Il n’y a pas de moment où vous pouvez juste, je rebondis sur ce que vous dites, froisser la susceptibilité d’un auteur en lui faisant des remarques sur son écriture ?


C’est possible, mais passagèrement. On n’est pas d’accord ; on discute ; on fait des propositions. Mais je n’ai pas de souvenirs d’auteur publié qui se soit fâché. Il sait qu’il ne peut pas y avoir de malveillance chez son éditeur puisque, vis-à-vis des lecteurs, nous avons les mêmes objectifs.


Il y a un respect réciproque au fond ?


Si on ne respecte pas l’auteur qu’on a envie de publier, je ne vois pas où on irait. De son côté, il sait que nous suivons le même chemin, qu’il y a, disons, « convergence des luttes ». Le seul domaine où les intérêts peuvent diverger, c’est celui des sous, l’à-valoir et le montant des droits. Mais, là encore, si on est honnête et méticuleux, il va bien finir par s’en rendre compte, non ? Quant au cœur de l’affaire, le livre, la confiance règne. C’est le contraire d’avec votre banque : vous pouvez lui faire confiance sur le reste, mais pas pour ce qui concerne l’argent.


Tenez, une histoire qu’on m’a racontée. Vous me direz que c’est l’homme qui a vu l’homme qui a vu l’ours, mais je la crois authentique. Elle concerne un grand auteur du XXe siècle et son prestigieux éditeur, dont nous tairons les noms. L’auteur, fidèle à son éditeur, lui remet un nouveau manuscrit, que l’éditeur trouve médiocre et qu’il noircit de corrections de toute sorte. Fureur de notre auteur, qui ne décolère pas et envoie son texte à un éditeur concurrent. Le livre est effectivement publié chez celui-ci… avec les corrections que l’auteur a reprises à son compte.


Quel est votre plus beau souvenir de cette relation de travail ? Mireille en parle très bien elle-même dans l’échange qu’on a eu...


Oui, elle vit beaucoup plus de ces relations que moi parce que ça fait très longtemps qu’elle s’occupe des auteurs francophones alors que je m’étais emparé des auteurs traduits, donc des traducteurs. Au début, les livres traduits représentaient bien quatre-vingts pour cent de notre production. Aujourd’hui, je crois que c’est encore plus de la moitié. Des relations riches et prolongées avec les auteurs, Mireille Rivalland en a beaucoup plus l’expérience que moi. Cela dit, il est vrai que Pierre Bordage, par exemple, reste un beau souvenir de rencontre. Les Guerriers du silence date de 1993. Le manuscrit m’est arrivé par la poste après avoir été refusé par d’autres éditeurs, avec un mot d’un ami musicien et traducteur qui avait enseigné le banjo à Pierre du temps où il étudiait à Nantes. Bref, le pavé atterrit sur mon bureau. Je le lis et je trouve que ce type a un rare talent de conteur. Alors je l’appelle pour lui dire : Oui, je voudrais publier votre livre. Je ne l’avais jamais rencontré et nous sommes devenus amis.


Pierre Bordage et Patrick Couton (C)

Mais je ne peux pas passer sous silence une relation privilégiée avec un traducteur, qui date des tout débuts. Patrick Couton et moi admettons volontiers que nous avons appris le métier ensemble. Sa première traduction était celle des mémoires du grand auteur américain de romans noirs Jim Thompson, parues à L’Atalante en 1985 sous le titre Vaurien. Je me souviens que nous nous sommes relayés des jours durant pour lire sa traduction à voix haute et opérer des retouches. Patrick était musicien professionnel, il est depuis musicien et traducteur professionnels. Et c’est un grand ami.


Pour revenir à la question qui pour moi est centrale « qu’est-ce que le livre a de si particulier pour vous pour que vous décidiez d’y consacrer votre vie ? » Vous avez d’abord ouvert la librairie après votre parcours fait de choses différentes avant de vous dire tiens, je vais voir ce qui se passe avec les livres en gros, et après de vous dire les livres mais autant les produire soi-même parce que autant


C’est bien ça. Vous voyez qu’il y a beaucoup de hasard là-dedans. Je n’avais pas de vocation au départ. J’étais un lecteur, un gros lecteur même, disons, mais tous ne deviennent pas libraires ou éditeurs.

Le plaisir est mélangé de plein de choses, entreprendre, fabriquer, d’échanger...


Tout ça. Il y a eu la librairie. La première année était une catastrophe. J’ai ouvert en mars 1979. Fin novembre, j’étais quelque peu résigné à devoir bientôt laisser la clé sous la porte. Et, preuve encore que j’ignorais tout du métier, je découvre que les ventes s’envolent en décembre ! C’est un cadeau de fin d’année, le livre, j’aurais dû le savoir, j’en offrais moi-même. Donc je n’ai pas fermé. À partir de 1986, l’effectif est monté à deux. Et puis, tout doucement, sans que je m’en rende compte, L’Atalante est devenue une entreprise. Une autre forme de responsabilité s’est imposée. Plus question de changer de temps en temps d’activité pour découvrir autre chose. De toute façon, l’édition allait décoller et la passion était toujours là. À la fin des années 80, je me rappelle, est arrivé une sorte de culte de l’entrepreneur qui sévit encore aujourd’hui, je crois. Un jour, j’ai vu débarquer un groupe d’étudiants d’une école de commerce qui traitaient l’entrepreneur comme une espèce de héros des temps modernes. Ça m’a toujours sidéré, cette attitude, sidéré et irrité. Non, ces gens-là ne sont pas des héros ! En tout cas, l’entreprise était là.



La SARL a été créée en 1991.


On était trois et même quatre avant 1991, et L’Atalante était encore une entreprise individuelle. On a décidé qu’il fallait sécuriser l’avenir et on l’a transformée en SARL. Passage en société, chacun prend un peu de parts, je suis resté majoritaire et voilà. C’est resté une SARL de 1991 à 2012.


Jusqu’à ce que vous basculiez en SCOP.

Voilà. C’était au moment où je commençais à préparer mon départ. Comment allait-on faire pour pérenniser et protéger la boîte ?


Vous avez appris tout au long de votre vie à la fois à partager, partager le plaisir de la lecture, le plaisir de faire naître des livres, le plaisir d’une vie, de la vie d’une librairie, à partager tout ça et après vous avez voulu que ça continue sans vous...


On était déjà neuf en 2012, certains depuis vingt ans, dans une boîte en bonne santé financière et qui avait pris de la valeur. Que fait-on si l’actionnaire majoritaire s’en va, un actionnaire dont les collègues ne peuvent pas racheter les parts à la hauteur de leur valeur calculée ? C’est une situation dangereuse. Comment faire pour que l’entreprise ne soit pas rachetée par d’autres puis dépecée ? On s’est renseignés, et il y a eu unanimité : on se transforme en société coopérative. C’était une décision unanime et L’Atalante est désormais à l’abri de ce danger-là.


Elle va rester une entreprise de création, de découvertes, de curiosité...


Elle va rester ou devenir ce que ceux qui y travaillent décident d’en faire. On ne peut pas racheter une SCOP. Une SCOP repose sur plusieurs principes fondamentaux, parmi lesquels celui qui veut que les salariés restent forcément majoritaires, en parts du capital comme en voix, puisque les décisions importantes sont prises en assemblée générale. L’assemblée générale est la patronne ultime d’une coopérative. Ça suffit à garantir son indépendance.


De toute cette aventure, quel est pour vous le plus grand plaisir ? J’insiste beaucoup sur cette notion-là, elle m’est chère.


Oui, elle me l’est aussi et c’est un moteur essentiel. S’il n’y avait pas eu de plaisir, je ne crois pas que j’aurais tenu. Le plaisir est passé par la découverte et l’apprentissage, ça a été un long plaisir d’apprendre. Cela veut-il dire que je ne savais pas grand-chose au début ? Certainement. Ai-je publié des bouquins alors que je ne savais pas très bien le faire ? Sans doute. Le plaisir est resté de bout en bout. Ce qui s’est estompé avec l’âge, c’est l’énergie. Et le plaisir sans l’énergie tend à la stérilité. Il était temps de m’en aller.


Question bête, est-ce que du coup maintenant, le plaisir de lire qui a pris le dessus, par exemple ?


Autrefois, je changeais de métier tous les cinq ans. Puis il y a eu L’Atalante de 1979 à 2014 – trente-cinq ans ! À présent j’ai découvert une vie de retraité, sans avoir coupé les ponts avec L’Atalante, remarquez. Pour compléter l’expérience, j’ai quitté Nantes… Lire, j’ai toujours lu. Je ne saurais pas vivre sans le livre et sans la musique. Sans mes chefs-d’œuvre du cinéma aussi, d’ailleurs. Ce sont des compagnons essentiels qui ne m’ont jamais quitté et que je partage sûrement avec beaucoup de gens.


Pour revenir à ça, est-ce qu’il vient d’un plaisir de la littérature, donc de la langue elle-même, ou est-ce qu’il vient d’un plaisir des histoires et donc de l’évasion ?


Je ne peux pas nier qu’il y a un bonheur de la langue. De la magie de la langue, Ce que les grands poètes nous donnent. La Fontaine et Saint-John Perse restent à mon chevet. D’un autre côté, j’ai toujours été grand amateur des littératures de genre, qui ne sont pas celles où on trouve les plus grands écrivains consacrés. Et, parmi les littératures de genre, les deux principales, le polar et la science-fiction.


Où la clé c’est l’histoire ! Non ?


En ce qu’elle traduit un projet ambitieux. Dans leurs meilleurs moments, leurs meilleurs livres, ce sont des littératures extrêmement ambitieuses. On ne vous y déplace pas le lecteur pour un règlement de comptes avec son géniteur ou un constat d’adultère dans le 16e arrondissement de Paris. Ce que brasse le polar, ce que brasse la science-fiction, c’est autrement énorme. Le fondement de la science-fiction, c’est la question de la nature humaine. C’est son domaine. Une littérature de l’être, de l’ontologie. Qu’est-ce que l’être humain et qu’est-ce que l’humanité ? Pour y répondre, ou ne pas y répondre, on convoque tout ce qui s’en rapproche mais n’en fait apparemment pas partie : les mutants, les extraterrestres, les êtres ou intelligences artificiels… Tous les thèmes classiques en constante évolution avec notre histoire ramènent à cette même question : qu’est-ce qu’un être humain ? Ce n’est pas rien comme interrogation ! Quant au polar, dans ses grandes œuvres, son domaine, ce n’est pas l’ontologie, c’est l’éthique. Qu’est-ce que le bien ? Qu’est-ce que le mal ? Surtout le mal. À travers des histoires de transgression, c’est-à-dire des histoires de crime. Jean-Patrick Manchette, un auteur majeur du polar français, disait déjà cela : le polar est la littérature morale de notre époque. Vous m’accorderez alors que les littératures de genre ne sont pas des littératures de seconde zone.


C’est cette conjonction des forces qui fait que vous êtes passionné de ces genres là.


J’ajouterai qu’il y a dans la SF, à sa plus haute altitude, comme un effet de vertige. Vous voici soudain devant une question, une situation où, tout d’un coup, vous ne savez pas bien pourquoi, un abîme s’ouvre sous vos pieds de lecteur. C’est une émotion qu’on ressent au cours de la lecture d’un grand roman de science-fiction, une émotion qui lui est particulière, je trouve. Vous l’avez éprouvé, ça ?


Personnellement peut-être plus dans le cinéma...


Dans le cinéma de science-fiction, il n’y a pas beaucoup de chefs-d’œuvre. Il y a 2001 de Stanley Kubrick, La Jetée de Chris Marker, Metropolis de Fritz Lang et… et… Après, il y a de bons films mais pas de grandes œuvres. Enfin, à mon avis. Cela tient sans doute au fonctionnement des grandes maisons de production.


Qu’est-ce qui vous a manqué éventuellement ? Qu’auriez-vous aimé pouvoir faire que vous n’avez pas fait ?


Le reste.


Un mot de conclusion ? Que diriez-vous à l’équipe en place de l’Atalante ?

Bravo et merci d’exister.


L'équipe de l'Atalante en 2018

...ils le doivent en grande partie à vous!


Je vais vous dire, ce sont tous mes très chers amis. Et une bonne partie de cette amitié vient de ce qu’ils font, de ce qu’ils sont à L’Atalante et de ce qu’ils y font. Ils sont cette maison. Au moment de quitter la boîte, je me suis dit que ce serait sympa qu’elle soit toujours vivante au moment où, moi, je ne le serai plus. Je le pense toujours. J’aurai impression d’avoir fait quelque chose, d’avoir posé quelque chose qui soit resté. Ce n’est peut-être pas essentiel, mais pas désagréable non plus.


Merci à toute la très sympathique équipe de l'Atalante. Propos recueillis par #PG9





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