top of page
  • Photo du rédacteurCulture Etc

[Théâtre] "Antigone" de Anouilh par Régis Flores. Le #Théâtre ou le choix des mots

Dernière mise à jour : 3 mai 2020

Nous avons parlé à plusieurs reprises avec l'équipe de ce nouveau théâtre nantais, et comme un rendez-vous annuel, nous avons interrogé Régis Florès, co-fondateur, pour qu'il nous parle de sa prochaine mise en scène: "Antigone" de Anouilh. Les représentations commencent le 8 novembre (infos ici). Cet échange, comme d'habitude, est l'occasion de parler de beaucoup de choses autour de ce lieu très sympathique et du théâtre en général... Bonne lecture!


"Antigone" de Anouilh. Mise en scène: Régis Flores (C)

Bonjour Régis ! Comment va le théâtre de la Rue de Belleville ?

Bonjour Philippe. Il va très bien. On a de bons retours, c'est super.

Vous avez de plus en plus de monde j'ai l'impression...

Oui. On a commencé la saison par "Les lauriers roses sont fanés" de Gwénaël Ravaux et les gens ont bien répondu. On est très contents.

On va parler de vos créations à venir. Vous finissez les répétitions d'"Antigone", version Anouilh. Ca se passe bien ? Pourquoi avoir choisi cette pièce-là?

Oui, tout se passe bien, mais c'est un gros morceau. L'équipe est très bien. On a hâte de commencer pour voir comment ça va être reçu... Je voulais m'attaquer à une autre tragédie après "Les Justes". Et puis dans le contexte actuel de révoltes populaires partout dans le monde, comme les gilets jaunes en France, quelque chose concorde avec la pièce. Antigone se rebelle contre l'autorité en place, elle sait ce qu'elle risque, mais elle le fait quand même. Ca m'a beaucoup fait penser aux manifs où les gens savent qu'ils vont se faire gazer, taper dessus, mais ils y retournent toutes les semaines. C'est un peu inspiré de ça. Et puis le texte est puissant, il parle de notre part d'enfant. Le contraste entre l'insouciance de l'enfance et le monde adulte qui est tragique, finalement.

Il y a une certaine cohérence à monter cette pièce-là après "Les Justes" aussi.

Oui. Les deux pièces ont été écrites dans les mêmes années d'ailleurs. Il y a énormément de similitudes en fait. Quelques phrases se ressemblent même étonnamment.

Comment avez-vous choisi vos comédiens?

Déjà, je voulais retravailler avec Olivier Robert, qui est avec nous sur "Les Justes". Je voulais absolument qu'il soit Créon. Il n'était pas dispo au début, mais il a pu s'organiser, c'est très bien. Ensuite, je voulais aussi travailler avec Damien Reynal, qui joue lui aussi dans "les Justes" et avec Mehdi Lecourt qui va prochainement jouer dans "le Problème" de Bégaudeau. Il y a aussi Emma Binon. Elle a suivi notre école, elle a donc passé 3 ans avec nous. Depuis très longtemps, je pensais à elle pour le rôle d'Antigone et c'était l'occasion de travailler avec elle. On a aussi une autre élève de 3ème année, Cécile Bargain. Et puis il y a deux de nos formateurs, Aurélie Valetout et Simon Houdin. C'est pareil, je voulais travailler avec eux. C'était l'occasion de les incorporer : ils correspondent parfaitement au casting.

Ce qu'il y a de très intéressant dans la démarche, c'est, justement, d'avoir intégré Emma, qui vient de sortir de votre école...

Oui. C'est aussi ça l'idée. Intégrer nos élèves à nos propres productions ou les ouvrir à d'autres. Parmi les élèves qui sortent de 3ème année, deux jouent avec la Cie Même pas Cap, un est parti en tournée européenne avec ADG Europe, une production londonienne qui fait du classique. On en a une autre qui fait une conférence théâtralisée... On a réussi à faire marcher nos réseaux pour qu'ils viennent les voir et qu'ils les emploient.

Bravo !

Oui, c'est super, ça marche, ils ont du boulot. Il y en a deux autres, qui étaient en 3ème année et qui viennent de rentrer en résidence au TNT de Nantes pour l'année.

Pour revenir à Emma, qui avait déjà fait des études de théâtre avant, mais qui ne trouvait pas son équilibre, elle a trouvé avec vous et dans la troupe, un milieu où elle s'épanouissait et où elle prenait plaisir à faire du théâtre. Vous lui tendez la main pour continuer avec vous!


Oui. C'est un vrai plaisir. C'est quelqu'un de très sérieux, qui a un vrai engagement, elle travaille beaucoup, c'est quelqu'un de sûr aussi pour la pièce. Je savais avec qui je partais: on s'est côtoyés pendant 3 ans, je l'ai vue travailler, évoluer, j'apprécie son jeu... Je savais que je ne me tromperais pas.


Là, vous êtes quasiment en fin de travail, ça va, tout se pose comme vous souhaitez? Toutes les intentions sont là ?

"Antigone" de Anouilh. Mise en scène: Régis Flores (C)

Oui. Tout se pose très bien. Le duo Antigone (Emma) et Créon (Olivier) fonctionne très bien. Comme tout le reste. Il y a un grand engagement des comédiens et c'est une pièce puissante. Dans la construction de la pièce telle que l'avait pensée Anouilh, il y un conteur, qui raconte l'histoire, il y a de la comédie, de la tragédie, c'est très complet. Après, il faut voir si ça plaira aux gens...

En tant que metteur en scène, vous vous êtes amusé à faire des choses particulières ?

On a de la vidéo, du son... Il n'y a pas de grandes révolutions. Pour la vidéo, je fais des tests, on essaie des choses. On explore tous les possibles: vidéo en direct, en film d'illustration, en décor aussi, en lumière projetée. On a plein de techniques différentes que je ne connaissais pas, je ne pensais même pas que c'était possible ! Il y a des techniciens qui s'y connaissent bien, c'est facile pour eux.

Y-a-t'il un plaisir particulier sur cette pièce-là ?

Je pense que comme beaucoup de metteurs en scène, on parle un peu de ce qui nous touche, nos choix nous racontent en partie, ce qu'on a vécu. On essaie de faire passer à travers les pièces ce qu'on comprend du monde. Cette pièce est particulière par rapport à ça, par rapport ce qu'on peut imaginer du monde, actuel, passé, à venir, sur la relation au pouvoir, sur le pouvoir lui-même, la révolte, la gravité de nos actes, jusqu'où est-on capables d'aller? Sur le courage, la lâcheté... Le monde peut-il changer ? Toutes ces questions-là, on avait commencé à les soulever avec "les Justes". Et on continue à les poser. L'idée, c'est aussi de pouvoir après, autour d'un verre, parler de toutes ces problématiques avec les gens. Voir où tout le monde en est, ce que les gens comprennent de ça et de la tragédie qu'on vit en ce moment. Je pense qu'on rentre dans une vraie tragédie, on ne va pas pleurer tous les jours, mais il y a des révoltes partout dans le monde... des gens qui se dressent contre les pouvoirs en place. Ca raconte aussi ça. Et je pense qu'on est tous touchés par ça, que ça nous parle à nous. C'est sûr que c'est très, le mot n'est pas forcément le meilleur, agréable de monter ça et de pouvoir en parler avec les gens.

"Antigone" de Anouilh. Mise en scène: Régis Flores (C)

En plus, le texte d'Anouilh, je le trouve très beau, très puissant. A partir de là, on peut parler du pouvoir et de la difficulté de gouverner. Est-il possible de mettre en place un gouvernement ultra-démocratique comme la révolte des gilets jaunes le veut ? Est-ce que c'est possible ? Est-ce que c'est souhaitable ? Que vaut-il mieux faire pour une meilleure répartition des richesses, pour plus de justice sociale ? Un pouvoir socialiste puissant, autoritaire ? Toutes ces questions-là qui, je pense, nous travaillent tous pour arriver à un moment d'apaisement et je dirais de réconciliation entre nous. Qu'on puisse tous discuter, vivre ensemble, avec nos mots plutôt que des armes à la main. Voilà, je crois que ce sont toutes ces pistes qui sont soulevées à travers Antigone. Et c'est vraiment agréable. Même d'en parler à travers l'équipe. Quand on monte un projet comme ça, on fait des choix dans la mise en scène ou dans la direction d'acteur. On en parle entre nous. Il faut que les acteurs soient aussi conscients de ce qu'ils vont véhiculer. Je leur explique pourquoi je mets telles images. C'est aussi une pièce axée sur la symbolique des choses. Créon invente une histoire pour pouvoir installer son pouvoir. Est-ce que la vérité est bonne à dire pour la stabilité d'un pays? Est-ce qu'il faut mentir pour asseoir des grandes idoles? ...

Ce que vous attendez donc avec impatience, c'est que, à la fin du spectacle, tout le monde se retrouve et échange, débatte, aille plus loin ?


Oui. Que ça fasse un peu bouger les gens, quoi. Qu'ils se disent: "je n'avais pas vu ça comme ça", "je n'avais pas imaginé ça" ou "ça m'a vraiment touché"... "Je n'étais pas touché par exemple, par le mouvement des gilets jaunes, par ces gens-là..." mais, Antigone, qui fait un truc qui paraît absurde, va finalement les toucher. Avoir un peu de compassion. Il y a plein de choses comme ça.


Le théâtre, en général est à sa place en proposant au public des pièces qui poussent à réfléchir ?

"Antigone" de Anouilh. Mise en scène: Régis Flores (C)

Je vais utiliser un autre terme, un peu fort: à communier ensemble sur tout ce qui nous touche nous. On ne sera pas forcément d'accord à la fin sur, soit le but à atteindre -enfin le but, on est tous un peu d'accord quand même-, mais sur la manière de l'atteindre, sur les causes... Mais au moins, on verra des êtres humains qui sont dans la même difficulté que nous et on communiera ensemble sur ces émotions. On se rapprochera un peu le temps et c'est déjà ça. Après, je sais bien que le théâtre ne change pas le monde, il y a tellement de spectacles et de choses fortes proposées, les choses auraient déjà changé si ça avait eu un vrai impact. Mais au moins, il y a un temps où on s'apaise tous.

On se pose tous ensemble dans un même endroit pour partager la même chose.

C'est ça dans un temps bien défini tous ensemble, et dans le monde réel.

Donc, c'est la création que vous êtes en train de finir. Vous préparez quelque chose d'autre après ?


On va monter "Le Problème" de François Bégaudeau. J'avais travaillé il y a quelques années sur un sit-com fait par Télénantes et Capricci avec le collectif Oton, un collectif d'auteurs où François Bégaudeau intervenait. C'était à la suite je pense de "Entre les murs", on lui avait proposé de faire un sit-com à la nantaise. Donc, j'avais travaillé là-dedans, mais je ne l'avais jamais rencontré. Et puis après, il y a un an, j'ai commencé à lire ses bouquins et j'ai beaucoup aimé. C'est un très bon ami de quelqu'un que je connais, on en a discuté et je l'ai rencontré. Je monte "Le Problème", qui, comme le dit un metteur en scène de Saint-Etienne: "tu viens d'inventer le boulevard de gauche !"... C'est une pièce drôle et en même temps très touchante. Je trouve qu'il écrit super bien. Il a quelque chose de la comédie qui d'un coup plonge dans la tragédie humaine, c'est super beau comme écriture. Je monte ça, et l'année prochaine, je monterai une autre pièce de lui: "La devise".


"Le Problème", c'est pour quand ?

Pour le mois de mai. Il y a 4 comédiens. Mathilde Banderly, Mehdi Lecourt et puis, un ancien élève à nous, Alexandre, et puis Camille, une élève qui est en 2ème année. Il y a deux enfants, de 22 et 17 ans, ils correspondent bien. Et puis ils sont sérieux aussi.

Bravo et Vive le Théâtre!


Propos recueillis par #PG9





Pour en savoir plus sur...


Emma Binon (Antigone), c'est ici

Le Théâtre de la Rue de Belleville, ici

Le Théâtre Ecole de la Rue de Belleville, ici

Flore Vannier Moreau, cofondatrice du théâtre (nominée aux Molières 2018), ici




Pour retrouver tous nos articles, rendez-vous ici

Partageons la Culture!

PS: toute reproduction, même partielle, interdite sans autorisation


Cet article vous a plu? N'hésitez pas à le partager, ça fera plaisir à tout le monde!




480 vues0 commentaire
bottom of page